Dans l’espace adulte avec…Louisette
Eh ! oui, ils sont confinés… Mais on ne va pas se laisser abattre…
Bien sûr que le confinement est une épreuve. Sauf quand on a les munitions pour tenir le siège. Et l’on ne parle pas, ici, de kilogrammes de spaghetti ou de haricots verts en conserve. Mais de livres pardi…
Voici une petite liste des livres dont je comptais parler lors de mon prochain café à Marie-Hélène, Danielle, Josette, Béatrice, Christian, Célia, Pascale, Claude… Mais ils sont confinés, tout comme moi. (Enfin, moi, je suis privilégiée parce que je peux les lire.) Alors j’invite tous ceux qui le souhaitent à en profiter, du coup !!!
Vous prendrez-bien des petits gâteaux… Alors, café ou thé ?
Parmi ces nouveautés, voici mon coup de cœur : Un automne de Flaubert d’Alexandre Postel
Nous sommes en 1875, notre homme a 53 ans. Menacé de ruine , incapable d’écrire une phrase, il se sent un homme fini. Il sombre dans une profonde mélancolie et un grand abattement. Pour se ressourcer, il décide il prend la direction de Concarneau où son ami Pouchet dirige la station de biologie marine. Durant cette période de deux mois, il va rendre visite à cet ami qui, pour les besoins de la science dissèque homard, poisson ou autre aplysie de manière pour le moins cruelle. D’une plume incontestablement très élégante, Alexandre Postel décrit l’ambiance de Concarneau, les bateaux de pêche et leur cargaison de sardines, les odeurs, les cris des goélands, les marins qui raccommodent leurs filets bleus, le travail des sardinières dans les conserveries, le charme des lieux est merveilleusement bien restitué. Promenades, bains de mer, repas gargantuesques à base de fruits de mer mais aussi, à travers leurs échanges, rencontre de deux mondes, le monde de l’art avec le monde des sciences, celui de l’écrivain et celui de l’homme de science.
Petit à petit, l’inspiration revient et Flaubert va se remettre à écrire. Le soir, tandis que l’odeur des sardines se dissipe doucement sur la ville, coincé dans sa petite chambre d’hôtel, il commence à rédiger l’un de ses contes : « La légende de Saint Julien l’Hospitalier », vous savez, le même que celui de la chapelle du même nom à Kerdéhel. Et là, nous assistons avec délectation au processus de l’écriture. Alexandre Postel nous offre le fascinant spectacle de la création littéraire et de ce goût d’écrire qui revient. Là, on voit comment s’élabore, dans l’hésitation, le tâtonnement, les errements, une phrase parfaitement rythmée dans laquelle chaque mot est pesé, soupesé, pensé, examiné, comme au scalpel, le fond et la forme, le sens et la sonorité… et la magie opère.
Un bon moment de lecture…
Un extrait :
«Oui, songe-t-il en caressant son lévrier, il a besoin de voir la mer. Faute de pouvoir atteindre le calme en lui-même, c’est à la mer qu’il le demandera. Même agitée, la mer accorde toujours le repos à celui qui la regarde. Sa pulsation obstinée inspire à l’homme égaré dans son labyrinthe intérieur le sentiment des choses simples, et à celui qui doute de la vie, le sentiment de la nécessité… Simple et nécessaire, la mer accueille toutes les douleurs. Elle n’offense pas les âmes fatiguées. »
Un autre :
« Ce qu’il sait, ni les organes reproducteurs de la raie, ni le système nerveux du turbot, ni les chairs suppliciées d’une aplysie ne la montreront jamais, car seul l’art en détient le secret, avec ses phrases chargées de sang, rythmées comme les battements d’un cœur, où la vie palpite dans les violences de ses contradictions et le mystère des ses métamorphoses.»
Un autre :
« Et il vante les bienfaits de l’industrie sardinière qui, vivifiée par les développement récent des conserveries, met les populations locales à l’abri de la misère et du clergé car même le dimanche, on prend la mer, si bien que la pêche a, pour ainsi dire, chassé le péché. »
Un autre :
« Ce qu’il sait, ni les organes reproducteurs de la raie, ni le système nerveux du turbot, ni les chairs suppliciées d’une aplysie ne le montreront jamais, car seul l’art en détient le secret, avec ses phrases chargées de sang, rythmées comme les battements d’un cœur, où la vie palpite dans la violence de ses contradictions et le mystère de ses métamorphoses.»
Un dernier pour le plaisir :
«Malgré toutes les choses qui le séparent de ces ouvrières de la mer, c’est un sentiment de proximité qu’il éprouve. L’activité de ces femmes n’est pas si différente de la sienne : de même que la sardinière ressuscite les poissons morts dans la vie éternelle de la conserverie, le travail de la phrase ne consiste-t-il pas à figer les idées dans l’éternité du style. »
Vous trouverez tous ces livres à l’ouverture de la médiathèque et bien d’autres… promis ! En attendant, restez chez vous et prenez soin de vous.